Les petites pierres de Daï Shihan LV : Inn/Yo.

Publié le 28/02/23
AFDP Nanbudo
Les petites pierres de Daï Shihan LV : Inn/Yo.

Nous manions, souvent mal, les concepts In/Yo (ou Yin et Yang si vous voulez), car nous avons tendance à en faire des contraires dans des cases séparées.

Le symbole du Yin-Yang, In-Yo en japonais, le Tai Ki ou Tai Kyoku, le grand faîte, ci-après, image bien les rapports entre In et Yo.

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Le cercle, représentant le grand Tout, contient deux aires égales, Yo, blanc, les forces positives et In, noir, les forces négatives de l'Univers. Chaque partie contient une partie de l'autre sous la forme d'un point.

À gauche, Yo s'élargit au fur et à mesure qu'il se rapproche du pôle supérieur, c'est le dynamisme de croissance. Lorsqu'il est au maximum, In apparait, il est lui à son minimum et s'accroit en se rapprochant du pôle inférieur. Et il y a du In (point noir) dans Yo et du Yo (point blanc) dans le In. Il n'est pas possible d'isoler le In du Yo, In ne peut pas exister sans Yo et inversement.

Si on coupe horizontalement cette image, quel que soit le niveau, on ne peut que parler d'une proportion In-Yo. En haut Yo domine, au milieu Yo et In s'équilibrent, en bas In domine, mais jamais, il y a disparition de l'un ou de l'autre comme le rappellent les points.

Ce symbole nous engage à prendre garde à l'absolu et privilégie les relations entre ces deux principes, In-Yo qui s'engendrent et s'attirent mutuellement, se font équilibre.

C'est l'équilibre parfait de la nature, avec ses flux et reflux, ses cycles, auquel le genre humain devrait se conformer.

Ce symbole simple, pour les Japonais, Chinois et bien d'autres peuples asiatiques, s'appliquent à tout, enrichi par d'autres principes.

Or le langage occidental, s'il n'est pas maitrisé, risque de simplifier tellement les choses que l'on se fait vite piéger.

Nous parlons souvent au Nanbudo des kata Yin et des Kata Yang ! Pris littéralement, c'est une aberration ! C'est isoler In et Yo. Nous devrions dire des Kata plutôt Yin et des Katas plutôt Yang, mais c'est long. Il faut comprendre que lorsque nous disons Kata Yin, il y a du Yang dedans, et lorsque nous disons Kata Yang il y a du Yin dedans.

Pareil pour les techniques Yin et les techniques Yang !

Et pareil pour ce qui est présenté comme des écoles externes et des écoles internes dans les arts martiaux.

Il faut constamment réfléchir, combattre cette tendance de faire de toutes différences, ou même de tous les contraires une dualité, alors que c'est une unité.

Dans une société où il faut tout mettre dans des cases de plus en plus vite, où l'on élimine ce qui parait contradictoire, pas efficace, c'est un peu à contrecourant, j'en conviens bien volontiers.

Pour illustrer d'une autre manière ce propos, voyons un corps humain, la tête est au ciel, côté Yang et les pieds sur la terre, côté Yin. Le haut du corps est Yang et le bas du corps est Yin.

 

 
Mais si je découpais le corps (c'est une manière de dire, je suis un Budoka hein !), je n'isolerai pas la partie Yang de la partie Yin.



Et ainsi de suite, comme pour le symbole Yin-Yang.

Et ça ce n'est qu'une entrée en matière, on pourrait le faire également avec la partie intérieure des membres plutôt Yin, et la partie extérieure plutôt Yang, la partie gauche plutôt Yang et la partie droite plutôt yin, Etc. Etc. Et combiner tout cela.

C'est un casse-tête ? Non, réfléchissez-y bien, rien n'est plus logique.  Considérer un être humain, son physique, son psychisme, son métabolisme singulier, son histoire, etc. C'est le considérer en son ensemble, en son unité. Les parties du corps, organes, systèmes, muscles, os, nerfs, etc. sont toutes reliées.

Peut-être est-ce une grande différence entre une médecine dogmatique occidentale qui ne considère que la partie atteinte à traiter et la médecine asiatique qui considère l'ensemble dans son environnement.

Mais là, encore et encore, attention !  Il n'y a pas qu'une médecine occidentale et qu'une médecine asiatique, (sans parler des médecines africaines, océaniques, américaines et latino-américaines) et au-delà, ou à côté, des systèmes, des institutions, il y a une multitude de personnes ou de petits groupes qui pratiquent différemment.

D'ailleurs, cette manière de voir, estampillée asiatique, est-elle très différente de ce qui existe dans la pensée occidentale depuis la Grèce antique, mais que l'on n'a un peu oublié ?

La dialectique, pour schématiser à l'extrême, est une méthode de raisonnement qui vise les ensembles et leurs parties constitutives, les totalités et leurs parties. C'est peut-être difficile à comprendre, mais c'est précieux pour ne pas verser dans le dogmatisme, car rien n'est statique, tout est en mouvement. Cette forme de pensée a été malheureusement confondue avec la rhétorique, « l'art de discuter subtilement et habilement de toute chose », souvent perçu comme du bla bla bla, ou un système avec lequel dans n'importe quelle situation on retombe sur ses pattes, comme le chat. Pire, on n'en n'a fait des pensées dogmatiques dans des pays dictatoriaux où le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y avait pas grand-chose de dialectique et que cela n'allait pas dans la subtilité !!!

Au-delà de la philosophie classique, dans les sciences, on sait depuis longtemps que tout n'est pas binaire, oui ou non, blanc ou noir, etc…

Je laisse les physiciens s'y donner à cœur joie avec la Physique des particules et/ou la Mécanique quantique par exemple. Je me contenterai de faire simple : je pense que beaucoup savent qu'un aimant possède un pôle nord et un pôle sud. Si vous coupez l'aimant en deux, non seulement le pôle nord et le pôle sud ne sont pas isolés, mais vous obtenez 2 nouveaux aimants avec chacun un pôle nord et un pôle sud et ainsi de suite si vous recommencez.

En effet, un nord ne peut exister sans sud comme In ne peut exister sans Yo.

Tout n'est pas dialectique et tout n'est pas dialectique de la même manière, sinon ce serait à nouveau dogmatique. Mais souvent, ce qui parait contraire, opposé, est en fait relié, n'existerait pas sans l'autre, participe à une unité.

Même sans aller jusqu'à des contraires, des différences sont également reliées.

Dans le Budo, l'objectif est souvent décrit d'arriver à l'unité entre le corps et l'esprit. De fait, cette unité existe, mais on l'a oublié, et il faut y travailler pour y parvenir !

Bien sûr, au Nanbudo, comme l'a fondé et voulu Doshu, Budo Ho et Kido Ho ne peuvent être isolés, ils ne sont pas non plus côte à côte, mais intriqués, comme InYo, avec du Kido Ho dans le Budo Ho et inversement.

Bien d'autres sujets pourraient être développés de la même manière : défense et attaque, Tori et Uke, plein et vide, violence et non-violence, combat et harmonie, Bu Jutsu et Bu Do etc.

Le mois prochain, incité par la lecture d'un livre « L'endroit et l'envers » d'un psychanalyste japonais, Doi Takeo, je m'intéresserai à des notions comme Omote/Ura, Soto/Uchi.

À bientôt sur les tatamis.

Je vous embrasse                                                                     

Stéphane Carel Daï Shihan

AFDP Nanbudo

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