Les petites pierres de Daï Shihan XIV : Quelques digressions sur le Budo

Publié le 03/06/19
AFDP Nanbudo
Les petites pierres de Daï Shihan XIV : Quelques digressions sur le Budo

Quelques jours après mon dernier article sur le blog, je suis tombé par hasard dans le groupe Facebook « je suis un karateka » sur une vidéo avec une interview de 1994 de Jiro Otsuka Sensei et j’ai également lu avec intérêt une interview de Chinen Kenyu sensei dans la revue Yashima n°4 qui vient de sortir.

Jiro Otsuka est le fils d’Hironori Otsuka, le créateur du Wado Ryu, l’école de l’harmonie de la voie. Des 4 écoles majeures du Karaté (Shotokan, Goju ryu, Shito ryu, Wado ryu), le Wado ryu est la seule école japonaise.

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A la mort de son père, il est devenu le Soke de l’école et a pris le prénom de son père en se faisant appeler Hironori Otsuka II.

Décédé lui-même en 2015, c’est actuellement le petit fils du Maitre fondateur, Kazutaka Otsuka appelé Otsuka III qui est le Soke de l’école.

Je vous ai transcrit la partie qui nous intéresse : « le wado Ryu est un Budo au sens japonais du terme, c'est-à-dire qu'on a rajouté le karaté au ju-jitsu. Dans les autres styles, tout vient d'Okinawa, ce ne sont pas des Budo comme on l'entend au Japon.  Dans les Budo japonais, on peut dire qu'il n'y a pas de blocage.  Défense et attaque, c'est en même temps, ce ne sont pas de choses séparées comme ça se pratique actuellement dans les autres styles de karaté. À part le wado Ryu, les autres formes, Shotokan, Shito-ryu, Goju-ryu, ne sont pas des Budo »

Il assimile ensuite les autres karatés à de la compétition et affirme que ceux qui s’en lassent chercheraient autre chose et viendraient au Wado-Ryu qui est un budo. 

C’est à mon sens trop dogmatique et avec un manque de l’humilité des grands maitres qui n’attaquent pas les autres écoles mais ce qu’il dit est révélateur de ce que j’écrivais, la difficulté pour le Karaté Do à être considéré au Japon comme Budo.

Chinen Kenyu Sensei, lui, est un pur produit d’Okinawa tant en karaté qu’en Kobudo pour lequel il est très connu. Il dit :« On dit que le karaté d’okinawa est un goshinjutsu. Cela signifie que le but n’est pas atteint lorsque l’on a blessé, mais quand on a protégé, soi-même et autrui »

On voit bien qu’il n’y a pas de frontière nette entre budo et jutsu, et que l’on se trouve devant le même piège qu’avec budo traduit par Art martial qu’en traduisant par self défense le goshin jujitsu.

Le débat n’est pas vain : savoir ce que les mots veulent dire, savoir ce que l’on veut le faire dire, savoir quelles oppositions virtuelles ou réelles se développent éventuellement avec des ralliements derrière des mots.

 Ceci dit, ce sont les femmes et les hommes dans leurs actes qui font la différence et donnent du contenu aux mots qu’ils utilisent.

Autres éléments dans ces interviews notables, Jiro Otsuka Sensei qui dit que dans les Budo japonais il n’y a pas de blocage contrairement au Karaté d’Okinawa. Intéressant non, pour nous qui avons appris et apprenons encore à esquiver ? Ceci dit je suis sûr que l’on peut trouver un Okinawaien qui démente cette assertion.

Chinen Kenyu Sensei dit quant à lui :

 « La distance courte est une des spécialités d’Okinawa. On dit depuis les temps anciens « Issun de taose », vaincre à la distance d’un sun (3,03cm). On dit aussi : « Issun no kime », la finalisation à un sun. On doit pouvoir terrasser son adversaire à une distance très courte. C’était la façon de concevoir le combat des maitres du passé. Et c’est une évidence. Face à un adepte expérimenté, il n’y a pas de temps pour armer, on ne peut pas se permettre de faire d’appel. Mais à courte distance, la puissance du bras ne suffit pas pour avoir une frappe efficace. C’est pourquoi il faut développer l’utilisation du corps dans sa globalité. L’utilisation des hanches, le transfert de poids, les vrilles des articulations, si tout cela n’est pas combiné en une fraction de seconde, le coup n’aura pas de puissance. »

Tout aussi intéressant non ? N’entendez-vous pas la voie de Nanbu Doshu Soke disant : « more hips ! »

Gardons donc l’esprit critique, prenons garde aux affirmations simplistes et au dogmatisme, faisons attention « aux chapelles » et continuons de chercher ! Comme le dirait Nanbu Doshu Soke, chercher c’est amusant !


Carel Stéphane Daï Shihan

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