Les petites pierres de Daï Shihan XXXXIII Récapitulatif de notions essentielles, suite

Publié le 01/03/22
AFDP Nanbudo
Les petites pierres de Daï Shihan XXXXIII Récapitulatif de notions essentielles, suite

Voici la suite à mes dernières pierres où j'avais abordé Maai et Zanshin.

Je vais fortement m'inspirer de l'Encyclopédie des arts martiaux de l'extrême orient de Gabrielle et Roland Habersetzer et du Miyamoto Musashi de Kenji Tokitsu que je vous conseille ardemment.

AFDP Nanbudo

Yomi 読み



Les pictogrammes nous disent : la parole vue avec le regard bienveillant, c'est la lecture, c'est l'art de lire, prévoir, deviner l'adversaire.

La répétition de situations d'opposition permet d'engranger des informations permettant de lire, d'anticiper une trajectoire. Au début, nous ne saisissons pas du tout les feintes, nous ne voyons pas la différence entre le lancement d'un Mae Geri et celui d'un Mawashi Geri que nous esquivons un peu en catastrophe. Et puis, ensuite, à force d'entrainement, sans savoir pourquoi, sans réfléchir, nous réagissons immédiatement comme si nous l'avions su à l'avance, c'est une partie de Yomi.

Lorsque l'on n'a pas l'habitude, la rapidité de l'attaque, même si on la connait d'avance, nous place dans la difficulté de l'esquiver, et surtout, nous place dans l'impossibilité de l'esquiver en entrant dans l'attaque de l'autre.

Au-delà d'un réflexe souvent naturel qui est de reculer, ou d'esquiver trop loin, c'est surtout que l'on n'a pas l'habitude d'une telle rapidité et que l'on ne perçoit pas les éléments annonciateurs.

Si la tennis woman où son compère masculin ne « lisait » pas la trajectoire de balle, vue sa vitesse, il ne pourrait jamais l'intercepter et la renvoyer.

Je pense que ces premiers éléments sont intelligibles, mais Yomi va beaucoup plus loin.

C'est la perception, l'intuition, la sensation, je ne trouve pas le bon mot, de la menace, la perception de l'intention, la perception de l'attaque avant qu'elle ne prenne une forme physique. Yomi c'est deviner l'intention de l'autre avant qu'elle ne prenne forme, ce qui donne toujours un temps d'avance.

Yomi avec Ma-Ai, Zanshin et Hyoshi permet de réagir immédiatement, intuitivement, avec un temps, une synchronisation parfaite, en une unité du corps et de l'esprit.

C'est cela qui permet le Sen Sen no Sen, mais qui permet également de choisir pour être le plus efficace entre le Go no Sen, le Sen no Sen où le Sen Sen no Sen.

Hyoshi 拍子



Avec Yomi, Hyoshi est une autre notion peu usitée en Nanbudo, mais intrinsèque au Budo et très développé par Miyamoto Musashi.

Les pictogrammes précédents ces kanji représentent pour le premier, la main et le même son que frapper, battre, c'est la main qui bat la mesure, le rythme, qui suit la cadence

Le deuxième, Shi, c'est l'enfant représenté emmailloté dans ses langes, la graine, la pousse.

Kenji Tokitsu qui a traduit le Gorin no Sho de Miyamoto Musashi nous explique combien il est difficile de traduire Hyoshi. Cadence ou rythme qui sont les traductions usuelles sont insuffisance concernant les Arts Martiaux.

Miyamoto Musashi considère Hyoshi comme très important.

Dans son premier rouleau, celui de la terre, il écrit : « la cadence est inhérente à chaque chose, en particulier en ce qui concerne la stratégie ; il n'est possible de maîtriser la cadence qu'avec un entraînement approfondi.

En ce monde, nous pouvons constater qu'il existe différentes cadences. Les cadences de la voie de la danse et celle des musiciens avec leur instrument à cordes ou à vent sont toutes des cadences concordantes et sans distorsions. Traversant les diverses voies des arts martiaux, existent des cadences différentes suivant lesquelles on tire à l'arc virgule on tire au fusil et on monte à cheval….

Dans la stratégie, existent différentes cadences. Il faut d'abord connaître les cadences concordantes, et ensuite apprendre celles qui sont discordantes. Au cours des cadences grandes ou petites, lentes où rapides, il est indispensable pour la stratégie de discerner la cadence qui heurte, la cadence de l'intervalle et la cadence en opposition. Votre stratégie ne peut pas être sûre si vous n'arrivez pas à maîtriser cette cadence en opposition.

Lors du combat de stratégie, il vous faut connaître les cadences de chaque ennemi, et utiliser des cadences auxquelles il ne songerait pas. Vous gagnerez en faisant surgir les cadences du vide qui naissent de celle de la sagesse. Dans chaque rouleau, j'écrirai à propos de la cadence. »

Dans son deuxième rouleau, celui de l'eau, il écrit :

« Une seule cadence pour frapper l'adversaire.

Voici ce que j'appelle la frappe d'une seule cadence. Vous êtes près de l'adversaire à une distance où vous pouvez juste vous atteindre l'un l'autre, vous le frappez très rapidement et directement, sans bouger le corps, sans attacher nulle part votre volonté d'attaque, en saisissant le moment où il ne s'y attend pas. Vous le frappez d'un seul coup à l'instant où il ne pense même pas à reculer son sabre, ni à le retirer de la garde, ni à attaquer. Après avoir bien compris cette cadence, il faut s'entraîner à frapper rapidement dans la cadence des intervalles.

La cadence de dépassement en 2 temps.

Voici la cadence de dépassement en 2 temps, vous êtes sur le point d'attaquer et l'adversaire recule où pare rapidement. Vous faites semblant de le frapper et vous frappez réellement au moment où il se relâche après avoir esquissé une parade ou après avoir reculé. C'est cela la frappe de dépassement en 2 temps. Il est difficile d'acquérir cette frappe seulement par la lecture de ce texte, mais vous comprendrez tout de suite après un enseignement direct »

Bien sûr, encore une fois, Miyamoto Musashi nous témoigne de ce qu'il a vécu, dans un autre temps, et il s'agit d'y trouver des éléments intéressant dans notre Art martial de l'an 2000 !

Il y a, par exemple, l'intervalle de temps entre la décision d'attaquer et l'attaque, souvent avec des manifestations extérieures prémonitoires, qui peut permettre d'agir, dans le Ma. Mais cela concerne les deux adversaires. Hyoshi est étroitement mêlé avec Maaï, l'espace-temps où peut avoir lieu la rencontre !

Son hyoshi personnel si l'on peut dire, on peut le trouver pour part dans les Kata.

Respiration, contraction/décontraction musculaire et physiologique, état psychique, ont déjà des rythmes auxquelles se rajoutent ceux des mouvements corporels déplacements/esquives/attaques etc. Ces rythmes, ces cadences se lient en harmonie où non aux rythmes, aux cadences de l'adversaire.

Dans le combat, les deux hyoshi se confrontent.

Y-a-t-il une ouverture ? quand ? Puis-je m'y introduire ? Le combat à mort constant amène à Miyamoto Musashi une autre manière de regarder un jardinier couper une fleur, un acteur de théâtre No, un danseur… Y-a-t -il une ouverture, puis-je m'y introduire ?

Que l'on se rappelle le deuxième Tori dans Ninin Gake qui ne profite pas de l'erreur de Uke de passer entre les deux attaquants ! Manque de Zanchin très certainement et surtout aucun Hyoshi !!!

Donc ? Dans le Reï, dans les gardes, dans les déplacements, dans les défenses/contre-attaques ou dans les attaques il ne doit pas y avoir d'ouverture !

Ou beaucoup plus basique, pas de mouvement du pied avant préalablement à une attaque en Oi tsuki comme en Mae Geri etc … !!!

Kime 決め



Le pictogramme nous révèle la main qui saisit une partie d'un tout, donc qui décide.

Vous êtes certainement plus familiarisé avec cette notion mais encore une fois, comment traduire ? Kime a souvent quelque chose à dire de l'efficacité maximale, de la décision ultime, et est souvent associée au Kiai.

Le Kiai n'est pas un cri, le cri permet de travailler le Kiai, l'union des énergies.

Il est question d'une focalisation au moment de l'impact en une brève explosion d'énergie avec l'unité du corps et de l'esprit, une efficacité pénétrante sur le point de l'impact mais avec l'onde de choc, légèrement en arrière du point d'impact.

Il demande la décontraction la plus totale avant ce bref instant d'une fusion entre les énergies du corps et du mental, du Kiai, de l'unité du corps et de l'esprit.

Kime n'est pas force, ou du moins pas que force, sinon, encore une fois, le plus fort l'emporte à 99% (ceci est une expression, ce n'est pas scientifique) contre le moins fort.

Kime nécessite une fluidité, une coordination parfaite de toutes les chaines musculaires nécessaires, une circulation du Ki, un esprit non fixé sur tel ou tel détail. La fluidité (et non une série de gestes saccadés) par exemple des appuis/rotations de hanches/lancement de bras ou de jambes va permettre une vitesse maximale au moment de l'impact, et là, on verrouille en un instant les articulations (chevilles, genoux, hanches, épaules, coudes, poignet).

Kime n'est pas l'arrêt d'une frappe, l'arrêt de la frappe est une volonté de contrôler et de ne pas frapper, de savoir que l'on pouvait frapper et de ne pas le faire.

Le mouvement continue sur la même trajectoire sans qu'il y ait véritablement arrêt, tel une onde qui continue, physique et mentale.

D'où l'importance de bien différencier le contrôle à mains nues en travail avec partenaire, le contrôle appuyé à mains gantées avec partenaire, le « non contrôle » sur sac de frappe, le travail dans le vide en Kihon ou en Kata.

Kime a donc à voir avec la sensation du geste parfait où se trouvent Zanshin, Maai, Hyoshi, Yomi. On le sent à la qualité de son Kiai, crié ou non. Quelquefois, on n'a l'impression que ce n'est pas nous qui l'avons fait, que le temps et l'espace se modifient, moment de grâce inexpliqué, difficile à reproduire.

De la même manière que l'on sent à son kiai que le geste est maitrisé ou non, nous voyons bien l'évolution du Kiai crié chez un débutant, comme extérieur à lui, et un avancé qui possède son Kiai.

Nous voyons bien la confusion de croire que parce que l'on crie très fort et très longtemps, on n'est très fort !

Pour ceux qui l'ont connu, le Kime du Doshu ! Et lorsque l'on était son Tori, le Kime du Doshu ! Pas son Kime de jeune qui cassait les Makiwara, mais son Kime à 50 ans, à 60 ans, à 70 ans !!!

La fluidité dans le mouvement à toujours été une préoccupation des recherches de Nanbu Doshu, du Shukokai au Sankukai jusqu'au Nanbudo.

Sa volonté d'unir dans une même école le travail sur le combat (Budo Ho), le travail sur l'énergie (Kido Ho) et le travail sur le mental associé à une philosophie (Noryoku Kaihatsu Ho) n'a fait que le remplir de Ki, Kiai, pour un Kime hors du commun.

Je pourrai écrire des pages et des pages sur Zanshin, Maaï, Yomi, Hyoshi, Kime, mais il n'y a que la pratique, non pas pour les faire comprendre mais pour les ressentir. Reste le travail le plus difficile, celui des professeurs : trouver des exercices et une progressivité pédagogique pour que toutes et tous puissent ressentir ce plaisir d'allier corps et esprit, d'allier geste et être, de vivre.

A très bientôt sur les tatamis.

Je vous embrasse.

                                                               Carel Stéphane Daï Shihan

 

AFDP Nanbudo

Envoyez un Email à afdp@nanbudo.eu

N'hésitez plus, vous avez besoin d'un conseil, d'un club, d'une information, alors nous sommes là pour vous guider.